Il a été passionnant d’entendre les arguments émis par les jeunes filles qui sont demandeuses de cette reconstitution. C’est pratiquement toujours la même chose : la peur du futur mari, de la famille, voire de la belle famille, et l’honneur.

On a frémi d’entendre cette jeune femme, d’origine hexagonale, qui allait épouser un Algérien déniché par sa famille, au pays, et qui, bien qu’en désaccord avec la démarche, acceptait de la subir, pour plaire à sa belle famille. Aujourd’hui l’hymen, demain le voile ? Mariage forcé en tout cas.

Des discussions animées, entre filles et garçons, sur la virginité, auraient, là aussi, mérité bien d’autres débats. Car entendre des garçons des cités, nés en France, déclamer « qu’ils ne veulent pas d’une meuf qui s’est fait déchirer dans les caves » aurait mérité un approfondissement nécessaire. Entendre le même dire qu’il préfère « aller chercher les femmes au bled, on est certain qu’elles sont vierges » ou un autre raconter que « lui s’en fout qu’elle soit vierge, pourvu qu’elle soit musulmane, et pour le jihad », est pour le moins inquiétant !

Un moment fort fut de comparer les arguments de cette militante du Planning familial, ou de cette chirurgienne, qui expliquent leurs contradictions. Elles sont naturellement hostiles à cette pratique, qui heurte leurs sentiments féministes, mais elles se résignent à faire de faux certificats pour l’une, et à opérer pour l’autre, dans l’intérêt des jeunes filles.

Une thèse que récuse avec vigueur le professeur Nisand, responsable du pôle de gynécologie du CHU de Strasbourg, qui, avec des mots très forts, et sans ambiguïté, dénonça toute concession médicale faite à ce retour à l’ordre moral de ceux qui « placent leur honneur entre les cuisses des jeunes filles », montrant que c’est cette doctrine qui amène les mariages forcés et les lapidations dans d’autres pays, et s’indignant que la demande de virginité ne touche que les seules femmes.

Cette émission était nécessaire, et il faut remercier Caroline Fourest d’avoir eu l’idée de la proposer à une émission grand public. Pour autant, on ne peut, après réflexion, s’empêcher d’éprouver un certain malaise avec la manière dont le sujet a été traité. On a senti chez les auteurs la volonté de préserver l’islam, en voulant démontrer que le retour à ces pratiques moyenâgeuses n’était pas le seul fait de cette religion. Caroline Fourest nous a donc donné des chiffres, sans par ailleurs citer les sources, indiquant que 90 % des demandes de reconstitution d’hymen venaient de musulmanes, mais que 10 % quand même venaient de catholiques et de juives, interrogeant même très longuement une orthodoxe catholique pas du tout représentative des patientes. En admettant même que ces chiffres soient vrais, il aurait quand même été intéressant de les comparer avec la réalité de la France, où justement 90 % des habitants ne sont pas d’origine musulmane.

Autre contre-exemple étonnant, mis en valeur par le reportage : on nous montre un groupe de jeunes protestant évangéliques qui ont fait vœu de chasteté avant le mariage. A part la volonté de dédouaner l’islam, quel rapport ? Dans ce cas, il s’agit d’un choix librement consenti individuellement par des femmes mais aussi des hommes, et chacun d’entre eux ne s’impose cette contrainte qu’à lui-même ; alors que la virginité de la mariée est une exigence imposée par autrui pour prouver la chasteté hors mariage chez les musulmans. De plus, ce groupuscule évangélistes de quelques dizaines d’individus ne représente pas du tout les millions de chrétiens de France ; alors que la majorité des maris musulmans exigent des épouses vierges lors du mariage. Nous sommes dans un déni de réalité encore plus grand que dans la règle des 90%-10%.

Les auteurs du reportage, toujours dans leur volonté de dédouaner le Coran, feront intervenir un « philosophe musulman qui connaît bien l’islam ». Il nous raconta, sans aucune contradiction, que l’islam ne réclamait pas la virginité au mariage ; mais en oubliant de préciser que le Coran dit bien qu’il ne faut pas avoir de rapports en dehors du mariage, ce qui implique cet impératif de virginité pour les premiers lits. Il ajouta, toujours sans être contredit, que le « prophète » aimait les femmes mûres, en oubliant là encore de préciser qu’il épousa Aïcha à six ans, et consomma le mariage à neuf ans avec elle ! Et si Mahomet avait des épouses remariées, notre « philosophe » se garde bien d’évoquer les butins de guerre où un cinquième revenait au « prophète », y compris les chameaux et les femmes, vierges ou non.

Ce « philosophe » déniché on ne sait où amalgame allègrement le droit au remariage, admis en islam, et les relations hors mariages, interdites en islam. De plus, en quoi ce « philosophe » est-il représentatif des musulmans ou de des imams qui prêchent auprès des jeunes ? Pourquoi n’a-t-on pas interrogé les instances officielles de l’islam de France, à savoir le CFCM ? Tout comme pour les évangélistes abstinents avant mariage, le reportage met sur le même plan des contre-exemples rarissimes et des comportements de masses. Dans quel but ?

Dernière manière de détourner l’attention, faire le parallèle, dans un club d’anciens, entre la demande de virginité, dans les campagnes françaises, dans les années 60, et la situation actuelle. Là encore, au nom du « tout se vaut », c’est un raccourci discutable qui occulte la véritable question.

L’ensemble de la société française, avec les mouvements féministes, a remporté une grande victoire contre l’ordre moral, dans les années 1968. Grâce à des batailles mixtes du mouvement progressiste, les femmes ont obtenu le droit à la contraception, au travail, à l’avortement, et donc à la maîtrise de leur vie sexuelle.

Grâce à ces conquêtes, l’ensemble de la société a progressé. Fadela Amara, dans son ouvrage « Ni Putes Ni Soumises », explique fort bien que, jusque dans les années 1990, les femmes d’origine arabo-musulmane, comme elle, ont profité de cette émancipation, et que leurs parents, bien que d’une culture totalement différente, se sont souvent résignés à cette évolution, qu’ils sentaient inéluctables.

Elle démontre surtout que c’est à partir des années 1990, qui voit, avec la guerre civile en Algérie, l’arrivée massive de militants islamistes dans les quartiers, que les grands frères et les barbus commencent à imposer une véritable police religieuse dans les quartiers. Il est d’ailleurs dommage que les militantes de Ni Putes Ni Soumises n’aient pas amené leur témoignage dans ce reportage. Car elles sont tout de même mieux placées que quiconque pour parler des jeunes filles issues de l’immigration et victimes de l’obscurantisme.

Comment donc passer à côté de ce fait ? Alors que l’ensemble de la société française progresse, et s’émancipe de l’ordre moral, depuis une vingtaine d’années, les demandes de certificats de virginité se multiplient, et elles sont presque toutes le fait de jeunes femmes de culture musulmane. Pas la faute du Coran, pas la faute de l’islam ?

Ayaan Hirsi Ali le dirait sans nuance, et n’aurait pas besoin de noyer le poisson avec des évangéliques ou des grand-mères.

Il est dommage que la féministe Caroline Fourest brade la réalité des faits sur l’autel de l’islamiquement correct. Espérons que cela ne nuise pas à sa crédibilité dans son combat contre l’obscurantisme.

Djamila GERARD